La conscience de Jaha 6 L'illustration est de Brase d'Anjou

william1941 Lun 14 Fév 2022 - 23:39

Le lendemain à cinq heures, Jaha est au bord de la route.
C’est à peine l’aube.
Il est sorti du village à pied. Est allé attendre la diligence loin des possibles regards de connaissances.
Par chance, Ali n’est pas encore venu.

La conscience de Jaha 6 L'illustration est de Brase d'Anjou Dilige10

La diligence arrive et s’arrête à sa hauteur.
« Jaha, qu’est-ce que tu fais là? demande le cocher.
- Que veux-tu que je fasse là? Je t’attendais.
- Tu aurais pu m’attendre au village.
- J’avais envie de marcher un peu avant de passer des heures assis dans ta voiture.
Je peux monter oui ou non?
- Ne te fâche pas Jaha.
Monte. Il n’y a que toi pour le moment. Tu peux garder ton sac.
Tu règleras ton voyage à l’arrivée. »
Jaha s’installe dans la diligence.
Le voyage se poursuit. Des voyageurs le rejoignent aux arrêts.
Finalement, à son grand soulagement, personne de sa connaissance n’est monté dans la patache.
Arrivé en ville il règle le cocher et prend la direction du port.

Tout en marchant il réfléchit à la négociation pour les rouleaux de tissu.
Le capitaine a parlé de soixante et dix mille maravédis
Jaha compte bien le faire baisser.
Il y a un autre problème à résoudre:
Connaître le nom de ces autres acquéreurs.
Au moins de certains d’entre-eux.
Il doit absolument leur revendre les rouleaux. Et si possible, avec un bon bénéfice!

Arrivé au port il voit la felouque.
Il y a beaucoup de mouvement autour.
Jaha est surpris car le capitaine lui avait dit qu’il ne partirait pas avant une quinzaine de jours.
Il devait attendre un autre navire qui apportait des lingots d’étain et des jarres d’huile à ramener à Chypre.
Jaha aperçoit le capitaine sur le quai et va le rejoindre.
Après les salutations d’usage celui-ci dit à Jaha :
« Quelle chance que tu sois venu aujourd’hui.
Les choses ont changé.
Un chargement de bois de cèdre est arrivé hier et je dois repartir dès demain pour le livrer à Alger.
J’allais proposer les rouleaux de tissus aux autres acquéreurs. Je n’avais pas le choix. Je dois absolument partir demain. Le voyage sera particulièrement lucratif. Et malheureusement je n’avais aucun moyen de te prévenir.
Mais puisque tu es là, c’est avec toi mon ami que je vais faire affaire.
Les rouleaux sont déjà sur le quai. Viens, nous allons les voir. »
Et il conduit Jaha vers une grosse toile goudronnée.
Il enlève la toile. Les rouleaux sont là, posés sur des planches de bois.
Jaha les inspecte soigneusement, vérifiant qu’il n’y ni moisissure ni taches d’humidité.
Satisfait, il passe à l’autre partie.
« Tu m’as dit que tu avais d’autres acquéreurs. Je les connais ?
- Oui, tu sais ce sont toujours les mêmes grossistes, ils sont à l’affût des arrivées et ils ont cet avantage sur toi d’habiter la ville. Ils sont tout de suite informés.
Les tissus comme ceux-là les intéressent particulièrement. Ils sont sûrs de les revendre un bon prix à l’intendance du beylicat. Je suppose que c’est ce que tu envisages de faire.
Ils paient avec du retard, mais ils paient bien.
Et ainsi ces fainéants n’ont à s’occuper de rien. Le poulet leur tombe tout rôti sur la table. »