Simenon ou l'art de fumer la pipe.

Dans une vie antérieure bien lointaine, du temps où je faisais des études de lettres, je me suis passionné pour l'oeuvre de Georges Simenon. Je peux le dire, j'ai lu toute son oeuvre, des Maigret en passant par les romans durs. Mais, au-delà de l'écrivain, je me suis intéressé à l'homme et surtout au fumeur de pipe. Je vous livre ici quelques pistes.

Simenon avait une assez jolie collection de bouffardes, surtout des droites et beaucoup de Dunhill, des groupes 4 qu'il achetait par trois. Il ne les nettoyait que rarement, laissant cette tache à sa femme surtout à la veille de ses moments d'immersion, c'est-à-dire avant d'écrire un roman. En revanche, dans une journée il ne fumait jamais deux fois la même pipe.

Souvent montré la pipe aux dents, ça ne l'empêchait pas de rallumer sa bouffarde à plusieurs reprises. Voilà qui devrait rassurer bon nombre de néophytes. Il était loin d'être obsédé par le maintien de la flamme et usait allumette après allumette, jamais de briquet.

Son tabac, du Dunhill préparé exclusivement pour lui et avec une coupe particulière, surnommée la coupe Maigret. Son mélange était très proche de l'Elisabéthan.

SI vous êtes intéressé par ce sujet sur lequel je pourrais être intarissable, merci de le dire et je poursuivrai mes commentaires. Je sais aussi que bon nombre d'entre vous en connaissent sûrement aussi long, alors partageons nos connaissances.

Oui oui continue cher ami, c'est toujours passionnant d'apprendre certains détails sur les pratiques tabagiques d'hommes illustres, leurs tics, habitudes, leur style etc. 
A l'époque je me délectais de ce genre de détails dans les aventures de Sherlock Holmes.

Je rejoins Ma Beutch, ce serait très intéressant. Je ne connais pas bien Simenon.
Merci Siramy pour ta proposition.

Je "rassure" tout de suite LS. Les Dunhill de Simenon n'étaient pas des beautés, mais de simples néogènes, bien classiques, bien droites. Pas de quoi rêver. En plus, ce sont des foyers de taille moyenne (groupe 4).

J'en profite pour tordre le coup à une légende. Non, Simenon ne bourrait pas plusieurs pipes avant d'écrire. Il aimait, comme tout un chacun, les bourrer les unes après les autres, le temps consacré à cette tâche étant un moment de pause.

Surtout Pierre continue . C'est Maigret et Simenon qui m'ont donné l'envie de fumer la pipe pour l'aspect visuel . Et mon professeur de solfège pour le parfum

CEDLAP a écrit:Surtout Pierre continue . C'est Maigret et Simenon qui m'ont donné l'envie de fumer la pipe pour l'aspect visuel . Et mon professeur de solfège pour le parfum

Nous avons la même origine pour notre vocation, Simenon et Maigret.

Siramy a écrit:Je "rassure" tout de suite LS. Les Dunhill de Simenon n'étaient pas des beautés, mais de simples néogènes, bien classiques, bien droites. Pas de quoi rêver. En plus, ce sont des foyers de taille moyenne (groupe 4).

J'en profite pour tordre le coup à une légende. Non, Simenon ne bourrait pas plusieurs pipes avant d'écrire. Il aimait, comme tout un chacun, les bourrer les unes après les autres, le temps consacré à cette tâche étant un moment de pause.

Mais les simples néogènes bien classiques ne me rebutent pas le moins du monde et j'ai des groupes 4 !

Siramy a écrit: Il ne les nettoyait que rarement, laissant cette tache à sa femme surtout à la veille de ses moments d'immersion, c'est-à-dire avant d'écrire un roman. En revanche, dans une journée il ne fumait jamais deux fois la même pipe.

Intéressant. Mais je croyais qu'il les apportait tous les 15 jours ou tous les mois, chez Besson, les faire nettoyer ?

Nightcap a écrit:

Siramy a écrit: Il ne les nettoyait que rarement, laissant cette tache à sa femme surtout à la veille de ses moments d'immersion, c'est-à-dire avant d'écrire un roman. En revanche, dans une journée il ne fumait jamais deux fois la même pipe.

Intéressant. Mais je croyais qu'il les apportait tous les 15 jours ou tous les mois, chez Besson, les faire nettoyer ?

C'est exact, j'ai lu également cette information, mais elle n'a jamais été recoupée, ni par Besson ni par Simenon qui préférait acheter des pipes neuves.

Nightcap a écrit:

Siramy a écrit: Il ne les nettoyait que rarement, laissant cette tache à sa femme surtout à la veille de ses moments d'immersion, c'est-à-dire avant d'écrire un roman. En revanche, dans une journée il ne fumait jamais deux fois la même pipe.

Intéressant. Mais je croyais qu'il les apportait tous les 15 jours ou tous les mois, chez Besson, les faire nettoyer ?

C'est vrai que ces informations, très intéressantes, diffèrent de celles qui sont données sur le site web de Tabac Besson où Simenon allait régulièrement: pour le nettoyage, disent-ils, et pour y acheter du Royal Yacht coupe Maigret, mais pas de l'Elizabethan, disent-ils toujours.

Enfin, qu'importe, moi mes souvenirs de Simenon, ça a d'abord été la série télé avec Bruno Cremer, et puis ensuite d'aller explorer (sans autorisation ) sa maison en dessus de Lausanne qui est longtemps restée vide après sa mort. Ça a été un jeu de grands enfants pour de nombreux gosses de ma génération, lampe de poche, chasse aux fantômes, détaler quand on avait trop peur...

kumo a écrit:

Nightcap a écrit:

Siramy a écrit: Il ne les nettoyait que rarement, laissant cette tache à sa femme surtout à la veille de ses moments d'immersion, c'est-à-dire avant d'écrire un roman. En revanche, dans une journée il ne fumait jamais deux fois la même pipe.

Intéressant. Mais je croyais qu'il les apportait tous les 15 jours ou tous les mois, chez Besson, les faire nettoyer ?

C'est vrai que ces informations, très intéressantes, diffèrent de celles qui sont données sur le site web de Tabac Besson où Simenon allait régulièrement: pour le nettoyage, disent-ils, et pour y acheter du Royal Yacht coupe Maigret, mais pas de l'Elizabethan, disent-ils toujours.

Enfin, qu'importe, moi mes souvenirs de Simenon, ça a d'abord été la série télé avec Bruno Cremer, et puis ensuite d'aller explorer (sans autorisation ) sa maison en dessus de Lausanne qui est longtemps restée vide après sa mort. Ça a été un jeu de grands enfants pour de nombreux gosses de ma génération, lampe de poche, chasse aux fantômes, détaler quand on avait trop peur...

Selon les dires de Jdescolas qui, enfant, fut voisin du romancier, il a un souvenir très net que Simenon fumait effectivement du Royal Yacht, il en parle d'ailleurs comme de sa Madeleine de Proust lorsqu'il peut dégoter une boîte de l'époque.

Et à ceux qui passent chez eux de temps en temps, Besson produit un blend maison intitulé "Bateau Royal" qui respecte assez fidèlement l'ancienne recette et la coupe "spéciale Maigret" du Dunhill Royal Yacht.

Bon, après, faut aimer le Royal Yacht... mais je signale ça pour les fans de Simenon.

Pour revenir rapidement sur le Tabac Besson, Simenon est le premier à sourire des légendes qui l'entouraient.

Faudra demander en effet à jdescolas car je croyais que son tabac était du Murray Erinmore Mixture ....

Siramy a écrit:Pour revenir rapidement sur le Tabac Besson, Simenon est le premier à sourire des légendes qui l'entouraient.

Alors, il doit franchement rigoler dans sa tombe, car voici ce qu'on lit aujourd'hui sur le site des tabacs Besson (Lausanne): 

Georges Simenon

Célèbre homme de lettres et fumeur de pipe

Une plaque commémorative au n°22 de la rue de Bourg rappelle que c’est ici que le « père » de Maigret acheta près de deux cents pipes. Il résida à Lausanne dix-sept ans à l’avenue de Cour 155, puis à celle des Figuiers au n°12.

Le chauffeur ouvrant la porte de la Rolls grise, déposait Monsieur Simenon accompagné de Térésa, au carrefour du Lion d’Or. Il nous faisait alors une visite puis descendait la rue de Bourg et repartait de la place St-François où sa Rolls l’attendait.

Fidèle client du magasin. Il était très rare de le voir sans son chapeau et sa pipe allumée.

Son modèle de pipe préféré était la Dunhill 3103 en bruyère lisse. Dunhill Londres à offert au célèbre écrivain son modèle fétiche, envoyée auparavant au Japon pour être laquée d’or par un maître laqueur nippon.
 
Alexandre Senn garde en souvenir une jolie commande que Georges Simenon lui a passée : 12 pipes Dunhill 3103, 6 baguées argent et 6 baguées or 18 carats.

Trouvant le tabac Dunhill Royal Yacht trop fin, l’écrivain commanda à Londres une coupe plus grossière. Ce tabac arrivait au magasin dans sa boite d’origine avec mention « coupe Maigret » frappé sur le couvercle. Dunhill faisait beaucoup d’effort pour cet ambassadeur de la célèbre marque anglaise.

Chaque semaine Monsieur Simenon confiait au magasin 12 pipes pour les nettoyer, toujours le même nombre. Quand Monsieur Senn apportait la livraison au domicile, il avait plaisir de lui dire qu’il reconnaissait toujours son coup de sonnette. Le paiement se faisait toujours par chèque, jamais autrement, et au centime près.

En effet notre écrivain fumait la pipe en écrivant ces romans. Il préparait 12 pipes « déjà bourrées » à coté de sa machine à écrire, aiguisait une dizaine de crayons et faisait passer une visite médicale à toute sa petite famille. C’est que après avoir fait ces préparations que le « père » de Maigret rentrait dans son bureau pour se mettre au travail sans perte d’inspiration et sans dérangement.
 Source : http://www.tabac-besson.ch/fr/tabacs-tabacs-a-pipe

little smoke a écrit:

J'ai été sur leur site il y a moins de trois mois et j'ai lu cette histoire... Comment savoir ce qui est exact de ce qui ne l'est pas

En fait, il suffit d'écouter Simenon lui-même qui s'amusait beaucoup de tout ce qu'on lui prêtait, notamment sur ses manies pipesques.

D'ailleurs, mes sources sont, pour une très large part, les interviews de Simenon, en particulier celles qu'on retrouve sur le site de l'INA, et les articles de presse qui citent l'auteur ou qui lui donnent la parole.

Poursuis ce fil, cher Siramy, très intéressant sur l'homme Simenon. Magnifique interprétation, très subtile, toute en finesse,  par Bruno Cremer de l'inspecteur Maigret. De plus Bruno Cremer savait bourrer une pipe, l'allumer et la rallumer.  Je regarde toujours les rediffusions avec autant de plaisir.
L'interprétation de Maigret par Jean Richard, lui aussi pipeur, manquait de finesse, loin du personnage Maigret qui transparaît dans l'oeuvre de Simenon. Trop bavard, trop bravache, sans ces longs silences de Bruno Cremer et ses regards profonds ... Cremer avait compris Maigret, il était Maigret. 
D'ailleurs on ne diffuse plus les Hean Richard  

Oui, oui, poursuis. Ce qui semble vrai, du moins, sur le site Besson, c'est le modèle préféré de Simenon : Dunhill 3103 en bruyère lisse.
Confirmation ?

Nightcap a écrit:Oui, oui, poursuis. Ce qui semble vrai, du moins, sur le site Besson, c'est le modèle préféré de Simenon : Dunhill 3103 en bruyère lisse.
Confirmation ?

D'après mes sources, je confirme surtout que Simenon fumait des groupes 3 et 4. La 3103 étant un modèle bien classique, il y a toutes les chances pour que ce soit la bonne. EN revanche, il est certain qu'il appréciait particulièrement la finition Bruyère, même si on voit sur ses tables de travail pas mal de Shell Briar.

Je profite de ce post pour revenir sur l'interprétation de Maigret, même si nous nous éloignons du sujet. Jean Richard était un véritable fumeur de pipe, reconnu par la Confrérie, à la différence de Bruno Crémer qui se mit à la bouffarde uniquement pour la série. Ça se voit, notamment dans les premiers épisodes. Par exemple, il a du mal à parler avec la pipe à la bouche. d'autre part, il la fume peu, préférant l'allumer. Ceci n'enlève rien à son jeu d'acteur, même si je le trouve relativement loin des Maigret (nouvelles, parce que ce sont des nouvelles et non des romans) et si je garde une affection particulière pour les premiers Jean Richard (en noir et blanc) avec, en voix off, Jean Dessailly.

Siramy a écrit:

CEDLAP a écrit:Surtout Pierre continue . C'est Maigret et Simenon qui m'ont donné l'envie de fumer la pipe pour l'aspect visuel . Et mon professeur de solfège pour le parfum

Nous avons la même origine pour notre vocation, Simenon et Maigret.

Je crois qu'on est beaucoup dans ce cas là !

On remarquera que Simenon rangeait ses pipes soit sur une table, son bureau, soit sur un râtelier avec la tête en haut, contrairement à toutes les indications qu'on peut raisonnablement donner et à la logique qui veut que les bouffardes aient la tête en bas pour permettre un meilleur séchage.

Concernant les pipes, Simenon à dit tout et son contraire. Dans une émission télévisée, il dit ne pas bourrer ses pipes à l'avance, dans une autre il prétend le contraire.

Pour savoir beaucoup de choses une solution :

Il y a des erreurs grossières dans le livre d'Assouline, j'y reviendrai, il n'empêche que c'est quand même un excellent livre, mais l'historien n'est pas forcément un grand spécialiste du monde de la pipe.